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Analyse: la Grèce ou le scénario inéluctable de la Première Guerre mondiale ?

Grece bureau de vote 2La victoire du Oui réouvrirait la voie aux négociations tandis que le Non conduirait au « Grexit » par défaut

La manchette du Monde de ce samedi, veille du référendum grec voulu par M. Tsipras – « L’avenir de l’Europe se joue à Athènes » – est peut-être trop dramatique, mais nul ne peut affirmer qu’elle est farfelue. Rarement l’issue d’une procédure référendaire a été plus confuse, rarement aussi tellement grosse de conséquences.

Etrange référendum en vérité. Passe encore qu’il a été décidé à la va-vite et organisé en quelques jours, dans le but évident d’en faire un outil de négociation en forme d’épée de Damoclès. Oublions qu’il demande aux Grecs de se prononcer sur des questions techniques dont l’immense majorité d’entre eux n’ont pas la moindre idée, ne sont pas équipés pour les comprendre et, le seraient-ils, n’ont pas eu le temps de les étudier. Mais encore, depuis que cette chose fut inventée par la Révolution française en même temps que la démocratie qui lui sert de cadre, jamais, en démocratie libérale ou totalitaire, on n’a appelé les citoyens à se prononcer sur un sujet qui n’existe pas. En effet, la question posée aux Grecs porte sur « la proposition soumise par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international lors de l’Eurogroupe du 25 juin 2015 ». Or, cette proposition est caduque, puisqu’elle a expiré le mardi dernier à minuit. Enfin, le Premier ministre grec appelle ses concitoyens à voter contre un paquet de mesures qu’il a négocié lui-même des mois durant et qu’il a fait mine d’accepter, avant de se rétracter. Une méthode aussi baroque de négociation est plutôt rare dans les annales diplomatiques des nations.

Mais c’est ainsi, et il faudra vivre avec les résultats de ce référendum. Si le oui l’emporte, il est probable que Alexis Tsipras, son flamboyant ministre des Finances, Yanis Varoufakis, et leur fine équipe d’extrême gauche et d’extrême droite coalisées devront démissionner. Mais peut-être pas ; ces hommes sont imprévisible, c’est même à cela qu’on les reconnaît. Quoi qu’il en soit, la voie sera ouverte pour une reprise des négociations. Avec qui ? Avec Tsipras, que ses interlocuteurs ne peuvent plus voir en peinture ? Avec un gouvernement transitoire de technocrates ? Une seule certitude : avec des Grecs… Et avec une échéance en tête : le 20 juillet, date à laquelle Athènes devra rembourser 3,5 milliards d’euros à la Banque centrale européenne (BCE). Difficile, mais il est probable qu’on trouvera une solution d’urgence, tellement l’alternative serait terrible.

Si c’est non, alors on est dans un tout autre cas de figure. Pour la plupart des observateurs, la messe est dite : la Grèce se mettrait d’elle-même à la porte de la zone euro. Ce n’est pas aussi simple. Les traités prévoient bien la possibilité pour un pays de quitter l’Union européenne, mais non la sortie de l’euro. C’est d’ailleurs ce qu’ont promis aux Grecs leurs dirigeants. Ce qu’ils ont omis de leur dire est que les institutions européennes concernées, Commission, Eurogroupe et Banque centrale, sont susceptibles de leur couper les vivres, auquel cas l’appartenance du pays à la zone euro n’aurait simplement plus de sens. En effet, les banques grecques faisant faillite, ce serait alors le « Grexit » par défaut.

Avec quelles conséquences pour la Grèce et l’Europe ?

Les Grecs risquent une période longue de chaos et de souffrances. A court terme, la réintroduction de la drachme, aussitôt fortement dévaluée, se traduirait par une inflation monstre qui frapperait durement une population déjà éprouvée par des années d’austérité. L’Europe, elle, devrait faire l’impasse sur l’énorme dette grecque. Mais ce n’est pas là le plus grave pour elle. L’expulsion de facto d’un pays de la zone euro serait un coup terrible porté au prestige de l’Union, un précédent dangereux, un cadeau offert à tous les eurosceptiques, un encouragement à peu de frais à tous les populistes, un exemple à suivre pour d’autres cancres de l’Union, un repoussoir exaspérant pour ceux, Espagnols, Portugais, Slovaques, qui se sont échinés à rester dans les clous européens.

Alors, quel est le scénario le plus probable ?

A cette question, un ami belge, ancien vice-Président de la Commission européenne et fin connaisseur des arcanes diplomatiques, m’a répondu en soupirant : « Tu sais, personne ne voulait de la Première Guerre mondiale, et on l’a eue quand même… »

Elie Barnavi est historien et essayiste, Professeur émérite d’histoire moderne à l’Université de Tel-Aviv, et ancien ambassadeur d’Israël en France.

Source : i24news

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